Pétroliers et colibris - contrastes
Cette période folle de la pandémie du COVID-19 nous révèle des
contrastes étonnants.
La nature
reprendrait-elle ses droits ?
Le confinement depuis plusieurs semaines d’une bonne moitié de
l’humanité semble être une opportunité pour la faune et la flore
en bien des endroits.
Les cas sont nombreux et fleurissent les journaux, les infos en ligne
et les réseaux sociaux.
Ce cas parmi tant d’autres :
Pierre Stephan est apiculteur en Alsace dans le Parc régional des
Vosges du Nord. En vingt ans, il n’a jamais connu un début de
saison pareil, la production de ses abeilles explose. Selon lui, le
confinement y est pour beaucoup.
Tout comme ces deux rorquals ( baleines) venues récemment faire les
curieuses dans le parc des calanques de Marseille, ou ces oiseaux qui
reprennent leurs aises dans nos espaces urbains.
Ces modestes mais prometteuses manifestations du possible
peuvent-elles nous réjouir ?
N’allons pas trop vite .. gare à la reprise ?
L’économie
humaine illustre sa folie et sa démesure
L’abondance pétrolière provoquée par la drôle de guerre des
deux producteurs Russie et Arabie Saoudite d’une part, et
l’effondrement des consommations dû au confinement de la moitié
de l’humanité d’autre part ont fait chuter les cours jusqu’à
une valeur négative .. oui négative ! Autrement dit, du fait
de l’abondance, et des réserves pleines à ras-bord, certains
‘’vendeurs’’ ont été prêts à payer pour qu’on leur
achète leurs stocks.
Et ces stocks, pour une bonne partie, sont à bord des gigantesques
pétroliers qui pour certains tournent en rond à plein dans les
rades des grands ports pétroliers du monde, en attendant de trouver
preneur … des réservoirs flottants en somme.
Une vue récente de la rade de Singapour où des pétroliers
s’entassent en attendant preneurs de leurs cargaisons.
La presse business en parle.
‘’La côte de Singapour envahie de tankers remplis de pétrole
dont personne ne veut’’
Et au moment où j’écris ces lignes fin avril, si je regarde sur
le site marinetraffic.com je vois toujours cette énorme quantité de
‘’oil tankers’’ , tous les points rouges sont des pétroliers
en attente
( si je zoome sur l’amas le plus central rouge , la quantité est
énorme)
Parfois en moindre mesure mais nombreux tout de même on en voit
également stationnés ainsi en bien d’autres points du globe. (Fos
en France, Los Angeles aux USA..)
C’est dans cette phase de mise à l’arrêt qu’on prend la
mesure du gigantisme de notre emprise sur les ressources de la
planète.
Mais si on cherche à aller plus loin, regardons ce trafic maritime à
l’échelle mondiale ( là-encore, le site ou l’application
MarineTraffic montrent le trafic en temps réel , par exemple quand
mon tout petit minuscule Nomade navigue proche des côtes, on le voit
sur ce portail car j’ai un émetteur AIS à bord):
Impressionnant, non ? la fourmilière de l’activité humaine ,
et encore, elle est un peu au ralenti en ce moment!)
On remarque une ligne rouge d’intense trafic entre le Golfe Persique (Arabie Saoudite) et l’Asie du Sud-Est, c’est
manifestement le gros du trafic pétrolier. Le trafic rouge ensuite
vers les autres continents parait réduit - effet de la crise
pétrolière du moment sans doute. Les lignes de trafic en vert plus
intenses sont le trafic des cargos de marchandises qui lui continue
malgré tout, et dont on a l’impression d’une fourmilière
sud-asiatique - Chine et pays voisins … l’usine du monde en
quelque sorte avec le flux en vert qui traverse l’océan indien,
passe par le Cap de bonne Espérance et remonte l’Afrique vers
l’Europe, va également vers l’Amérique du sud. On ne voit pas
ici le trafic du Pacifique avec l’Amérique du Nord, mais il est
tout aussi intense.
Même si l’effet d’échelle de chaque bateau sur cette carte
fausse la réalité - car en mer, par exemple j’ai passé des jours
et des jours , notamment en centre de l’Atlantique Nord sans ne
jamais rien voir , mais cette zone où j’ai fait ma traversée est
moins dense en trafic – ça laisse imaginer l’emprise de
l’activité humaine sur la planète, la production de gaz à effet
de serre de chacun de ces énormes cargos et la pollution marine qui
va avec.
Lorsque j'ai traversé la Manche à plusieurs reprises, là par contre j'ai clairement vu ce qu'est le traffic maritime sur le "rail des cargos" ( le fameux rail d'Ouessant) , on y traverse une autoroute de cargos et tankers à la queue-leu-leu quasiment, avec les montants, quelques milles de répit puis les descendants .. impressionnant !
Et pourtant le traffic maritime n’est pas le plus gros émetteur, il y en a bien d’autres. Mais c’est dire que pour être encore climato-sceptique il faut vraiment être aveugle ou borné pour croire que l’activité humaine n’est pas responsable du réchauffement et de la destruction en cours..
Lorsque j'ai traversé la Manche à plusieurs reprises, là par contre j'ai clairement vu ce qu'est le traffic maritime sur le "rail des cargos" ( le fameux rail d'Ouessant) , on y traverse une autoroute de cargos et tankers à la queue-leu-leu quasiment, avec les montants, quelques milles de répit puis les descendants .. impressionnant !
Et pourtant le traffic maritime n’est pas le plus gros émetteur, il y en a bien d’autres. Mais c’est dire que pour être encore climato-sceptique il faut vraiment être aveugle ou borné pour croire que l’activité humaine n’est pas responsable du réchauffement et de la destruction en cours..
Malgré tout, la résilience de la nature semble énorme, et nos
petites abeilles qui soudainement retrouvent goût de produire du
miel en abondance dans un moment de quiétude regagnée, sont un
exemple parmi d’autres de penser que tout n’est pas trop tard,
que l’espoir existe.
La légende du
colibri
Penser que tout est encore possible, mais surtout se motiver à faire
sa part chacun à son niveau, selon la principe illustré dans la
belle légende du colibri :
Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : "Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu !’’Et le colibri lui répondit : "Je le sais, mais je fais ma part."
Alors, considérant
que le volume d’une goutte d’eau est d’environ 0,5 ml, mille
colibri apporteraient déjà un demi-litre.
Combien y-a-t-il de
colibris dans la forêt ?
Et puis imaginez un
peu …. que les petits colibris par leur exemple d’action goutte
par goutte finissent par convaincre les pélicans de s’y mettre eux
aussi… ?
Un bec de pélican
peut tenir 10 litres en vol ( soit 20 000 fois plus que le bec d’un
petit colibri)
A notre échelle
humaine, nous serions plutôt à la taille d’un verre d’eau ,
soit 10cl, ce qui reste à la fois bien modeste et abordable.
Imaginons que chacun
des 67 millions de français consacre ou économise un verre d’eau
chaque jour. Cela ferait 6,7 millions de litres d’eau par jour.
Sachant qu’un
avion Canadair de lutte contre les incendies peut contenir 6000
litres d’eau.
Nous aurions de quoi
remplir 1100 Canadair partant au combat chaque jour.
Je clôture là
cette métaphore, sur l’idée que la stratégie du colibri aide à
croire que la somme de nos ‘’petites actions’’ individuelles
peut contribuer à la lutte contre l’énorme ‘’incendie’’
que nous risquons.
Alors, à chacun de
choisir, être le tatou râleur qui regarde l’incendie à la fois
effrayé et inactif ( ou plutôt ...sceptique sur la réalité de l'incendie, tiens ?)… ou le simple petit colibri …
Grandeur ou
petitesse, du dinosaure au colibri … ?
Michel Serres dans
son essai ‘’C’était mieux avant’’ nous donne aussi à
réfléchir sur les vertus de la petitesse, j’en donne un extrait
ici :
«Ce
qui vaut pour les espèces vivantes vaut pour les nations et les
gouvernements. D’où vint, demande Montesquieu, la décadence des
Romains? L’auteur ne voit pas, semble-t-il, la réponse que dicte
l’évidence historique: de leur grandeur même. La cause de la
chute, la voici: le haut du pinacle, où l’équilibre instable
bascule bientôt. Rome occupa l’Europe, une partie de l’Afrique,
un peu d’Asie et, vite vide, ce volume s’effondra. Les barbares
limitrophes purent s’enfoncer dans ce matelas mou. Pourquoi telles
civilisations, demande un autre, furent-elles mortelles? Parce
qu’elles voulurent l’emporter sur toutes, devenir la plus grande,
la plus forte, la première, et, pour cela, détruire les autres.
J’ai
beaucoup aimé, dans mon dernier livre, les évaluer à partir de
leurs victimes, au nombre de cadavres qu’elles laissaient à leur
passage.
Au
moment même de se saisir la palme mondiale, les plus puissantes
crevèrent, comme, tout à l’heure, l’espèce primée. Souviens
toi Grand-Papa, de Staline: «Le Vatican, combien de divisions?» Et
c’est Jean-Paul II, petit polonais à soutane sans canon, qui fit
se dégonfler l’Armée rouge!
Über
ales, criait Hitler, gloire à la race aryenne! Et il se suicida dans
son bunker.
Ces
pseudo-géants agonisent dans leur armure increvable, de la taille
formidable de leur imaginaire pénis. Exactement comme les dinosaures
qui n’eurent pas le temps, juste avant leur victoire totale, de se
faire tout petits, de rentrer dans le rang. Mais non, je me
trompe: ils devinrent de petits oiseaux (note
perso: effectivement, les oiseaux sont bien les descendants des
dinosaures, la science l’a démontré) ,
du coup ils sont encore là, voletant autour de nous! Ils ont pris la
décision de survivre, même sous une autre forme; mieux encore, ils
n’ont survécu que pour avoir choisi la faiblesse.»
Michel
Serres
Du
dinosaure au colibri …Du tanker à la bicyclette ?
L’histoire
d’une modestie à retrouver ...
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