Accroches toi ma belle
Par
quelle subtile conscience peut-elle ainsi trouver son chemin et
s’accrocher au fur et à mesure de son évolution ? Sans yeux
pour voir le monde, sans oreille pour entendre les murmures du vent
ou les chants des oiseaux qui lui passent tout près d’elle, sans
voix pour s’exprimer ou demander conseil, sans un cerveau
identifiable ni caractéristique comportementale propre, comment
fait-elle alors pour fabriquer ses si délicats enroulements autour
des ferrures de la pergola et continuer ainsi son ascension ?
Et
pourtant cette délicatesse procède bien d’une forme
d’intelligence face à une difficulté à résoudre, d’une
capacité à solutionner un questionnement.
Quand
nous l’avons plantée au pied de la pergola en fer forgé
fraîchement installée à l’entrée du jardin, elle semblait
pourtant si fragile, si frêle.
Elle ?
Cette petite plante à l’allure si modeste une fois mise en sol
comme on mettrait un enfant face à son destin, à qui nous avons
confié la mission d’embellir l’entrée du jardin au travers de
sa croissance dans la pergola, j’en ai oublié malheureusement le
nom dans ma déplorable ignorance botanique. Pas une clématite, non,
pas un jasmin étoilé non plus, alors zut, ça ne me revient pas.
Comme
investie avec détermination de sa mission elle nous a donné
rapidement quelques jolies fleurs pendant son début de parcours de
montée vers l’arche aux saisons passées. Bien qu’encore un peu
maigrichonne, c’est comme si elle voulait démontrer une espèce de
vaillance, exister coûte que coûte.
…
Nous faire plaisir ?
Pendant
l‘hiver interminable dans un entre-deux mi-doux mi-froid et souvent
bien trop humide, elle restait courageusement habillée de feuilles
bien décidées à résister, puis quelques coups de froid brefs et
tardifs l’ont brutalement attaquée. Elle est apparue nue de ses
branches brunies, ses feuilles cuites et rabougries, souffrante.
Allait-elle
mourir ? Et puis non, elle reprend le dessus depuis la fin des
gelées, on lui voit de nouveaux surgissements de petites feuilles
comme encore froissées de leur accouchement, l’espoir renaît,
elle se bat , elle veut vivre … elle vivra !
Et
ce sont surtout ces espèces de petits doigts fins et délicats
qu’elle génère et enroule autour des ferrures qui donnent toute
l’émotion à cette vaillance manifeste, ce désir de se battre, de
s’accrocher .
Mais quelle fonction préhensile lui permet de
s’adapter ainsi aux difficultés qu’elle rencontre ?
De
quoi cela procède-il ? De quelle magie ou intelligence ?
Comment
ne pas penser qu’il y a une fonction d’intelligence au sens le
plus pur du mot dans cette capacité à interpréter son
environnement ?
La
notion de conscience végétale n’est-elle pas une réalité dont
nous découvrirons un jour l’essence et le mécanisme ?
Mais
alors, un cerveau végétal, s’il en existe une forme, ne sera-t-il
pas une découverte majeure qui pourrait révolutionner totalement
notre perception du vivant ?
Accroches-toi
ma belle, accroches-toi !
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